Au bout de 50 km, deux gars descendent. Je regarde aux alentours, rien. À 10 km à la ronde, rien. un sac, en chemise alors qu'il fait un vent froid de chien abandonné, les voilà partis. Il doit y avoir des abris souterrains, c'est pas possible autrement. Et la nuit tombe dans moins d'une heure...
On arrive au complexe douanier, bien sur il est fermé et n'ouvrira ses portes qu'à 8 heures demain matin. Une chambre dans la station, p'tit déjeuner et c'est parti pour les formalités. D'abord, la frontière Argentine pour le tampon, et ensuite, au tour du Chili. Les choses ont changé depuis le 16 septembre, la douane chilienne est venue jouxter celle de l'Argentine. Comme quoi, il n'y a pas qu'à la Poste que ça se fait... et là le déplacement est de 160 km, humpf!
J'ai mes tampons, 8h 30, je file, enfin, pas avant d'avoir bien bavardé avec Ornella, ma première chilienne en son pays, aussi ravissante que volubile.
Je crains un peu car j'aurai deux heures de moins à pédaler, et surtout, ces heures, je vais certainement les payer cher avec le vent qui se lève en fin de matinée. La suite corroborera mes craintes.
Après 50 km, une narine saigne, et, cinq minutes après, c'est l'autre. J'avais peut être trop de globules, vaut mieux que ça pète là, c'est mon fusible. Et puis je suis déjà à 4500 m d'altitude. Après, ça se complique. Je suis en bonne forme, les jambes ne souffrent pas, mais le vent se lève au plus dur de la pente. De face, s'il vous plaît. Au début, un peu balancé par les rafales, je dois mettre pied à terre et continuer à pied. J'avais décidé de manger au sommet, j'y arrive, mais à 14h 30, lessivé.70 km parcourus, j'aurais le vent jusqu'au bout de la nuit.
Obligé de pédaler dans la descente, pas plus de 25km/h. Sur, je n'arriverai pas à parcourir les 160 km dans la journée, d'autant qu'il me reste deux cols à franchir dont un à 4830 m, au dessus du Mont Blanc, j'hallucine. Mais j'étais déjà sur un autre tout à l'heure à 4780m.
Après le Salar de Quisquiro, un peu moins important que la grande Saline, c'est la Pampa de Guyaques, la neige n'est pas loin. Le volcan Licancabur domine avec ses 5916 m.
Après 90 km de forçat, je plante ma tente derrière un rocher, je construis un petit mur, j'aplanis et hop, tout ce qu'il y a de plus chaud.
Polaire et survêtement pour le bas, doubles chaussettes, un vêtement technique long pour le haut avec deux polaires, le pass-montagne, les gants qui vont bien et mon gros duvet bien chaud. Altitude 4508 mètres.
Le vent ne m'autorisera pas à faire chauffer ma pitance, un bout de pain, quelques gâteaux secs. Krikette, tu ne vas pas me reconnaître... fini le" y mange bien à la cantine".
Au fait, j'ai vu une lama, c'en est une, c'est sur. Assise, pas vraiment farouche, avec un long cou, je n'ai pas pu m'empêcher de l'appeler Françoise, va savoir pourquoi?
Il me reste approximativement 70 km à parcourir demain dont le 4830 m...
San Pedro de Atacama, j'arrive, et pour deux jours au moins. Il y a plein de choses à voir, paraît il.